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L'enseignement
de l'Hypnose Enseigner l'Hypnose par l'hypnose ! Olivier
Chevalier, janvier 2005 |
"Puisqu’il y avait un mémoire à travailler, puisqu’Olivier est un expert dans l’enseignement de l’hypnose, puisque j’étais aussi un enseignant en recherche d’amélioration, pourquoi ne pas tenter de modéliser le formateur et d’en faire un sujet de mémoire ?"
L a modélisation est une des techniques clés de la P.N.L., dit-on. C’est en effet une idée fantastique de repérer et de s’approprier les façons d’être et de faire d’un expert dans une discipline, de façon à devenir à son tour un expert.
Assis au fond de la salle, muni de mon petit carnet, j’inscrivais ce que j’observais, je prenais en note les paroles que j’arrivais à fixer… Puis retour devant la feuille blanche.
Et là, du blanc encore, mais dans mon esprit avant tout. Ce qu’il y avait dans mon petit carnet semblait bien pauvre et surtout tellement incomplet. Le support d’observation, mes yeux, et mes propres sélections rendaient bien illusoire le projet de modéliser de manière efficace. Si j’avais filmé et enregistré les séances, j’aurais eu déjà un support un peu plus consistant même s’il restait le problème des choix théoriques (ou autres) qui déterminent l’observation elle-même. Mais en l’occurrence, quelle valeur et quelle rigueur accorder à mes notes dans mon petit carnet et à mes souvenirs ?
Exit donc, le projet de modélisation... Mais il fallait bien écrire quelque chose.
En préambule
J’ai écrit la 1ère partie peu après mes huit jours d’observation… et puis, plus rien. Je me rendais bien compte que mes quelques souvenirs et mes notes éparses n’avaient rien d’une modélisation et je ne savais plus quoi faire.Puis il y eut la rentrée scolaire et le passage à l’action, la mise en situation d’enseignement. Et j’ai essayé de mettre en pratique ce qui m’intéressait de la pratique éricksonienne, ce qui m’avait frappé dans l’enseignement d’Olivier. Et j’ai éprouvé de plus en plus de plaisir à le faire.
Six mois après l’écriture de la première partie suivie de la décision d’abandonner le projet d’une modélisation rigoureuse du formateur, après un trimestre passé à explorer de nouvelles manières de communiquer avec les classes, j’ai pu reprendre le stylo. Il fallait juste abandonner les termes « modélisation » et « rigoureux » et assumer le parcours d’une subjectivité. Ce qui m’intriguait, c’était la façon qu’avait le formateur de captiver l’auditoire et le sentiment qu’il y avait sans doute de l’hypnose là-dessous, d’une manière ou d’une autre.
Qu’est-ce qui se jouait de l’hypnose éricksonienne dans l’enseignement d’Olivier ?
Le désir de modéliser se transforma donc en parcours de reconnaissance de quelques exemples d’emploi de techniques éricksoniennes qui font de l’enseignement de l’hypnose par Olivier, un enseignement hypnotique lui-même. Et finalement cette reconnaissance et cette compréhension de la dimension hypnotique de l’enseignement d’Olivier m’ont permis de donner une vraie valeur de formation concrète à un mémoire qui sinon, ne reste qu’un exercice d’écriture.Bon d’accord, il m’aura fallu sept mois pour en accoucher et certains diraient que c’est vraiment long. Mais d’autres diraient qu’un accouchement demande neuf mois. Finalement, je suis en avance de deux mois.
Le formateur devient hypnotiseur
S’inscrire à une formation à l’hypnose, c’est choisir consciemment d’apprendre les outils de l’hypnose sous la direction d’un formateur enseignant ces outils. Ce n’est pas, bien sûr, choisir de se faire hypnotiser ! Le formateur, hypnotiseur à ses heures perdues ou gagnées, n’est alors qu’un professeur enseignant un contenu, une technique, un savoir faire, voire une attitude. Mais, non, non, non, ce n’est pas choisir de se faire hypnotiser !Oh, bien sûr, par moments, pour les besoins de la démonstration et de la formation, le formateur redevient hypnotiseur et hop ! tout le monde en transe. C’est la séance d’hypnose de groupe. Par exemple, pour un petit coup de méthode de Rossi, tout le groupe se retrouve avec les mains devant la poitrine, se rapprochant peu à peu. Parfois encore, c’est au tour d’un cobaye volontaire de remonter, les yeux fermés, les niveaux logiques, ou de se faire pincer sadiquement l’ongle d’un petit doigt devenu soudainement insensible à la douleur. Là, bien sûr, le formateur est l’hypnotiseur.
Mais que se passe-t-il le reste du temps ? Eh bien, nous sommes des apprenants conscients. Des élèves ? Que nenni ! ce mot sent déjà trop son côté régressif. Il ne s’agirait pas de se faire embarquer, surtout qu’il y en a même qui associe l’hypnose à la régression. Non, nous sommes des stagiaires, des apprenants conscients et critiques qui, hors les quelques séances de démonstration et les exercices pratiques, écoutons un discours sur l’hypnose.
Comment nous est donc délivré ce discours ?
Avant, il y a longtemps, ailleurs, pour les autres, si l’on s’intéressait à l’hypnose, on allait dans une salle de spectacle, le soir, avec la lumière des projecteurs, assister à l’hypnose de spectacle. Point de spots pour nous. Nous entrons, en journée, dans une salle de formation, dans un immeuble réservé aux formations, sentant bon l’atmosphère de travail.Puis sonne l’heure.
Et retentit l’air du jour. Musique. « Guitars, bass and drums », et un air connu, guilleret, entraînant, motivant, encourageant. Certains sifflotent, les insouciants chantonnent, quelques femmes bougeottent ou dansottent (si, si, c’est plutôt elles !) ; quelques pervers du sens tissent déjà des liens entre les paroles des chansons et le contexte, tandis que les pervers de l’insouciance les laissent glisser tranquillement en eux-mêmes. Les durs de la feuille et les chanteurs casserolesques – génétiquement parlant – préfèrent s’installer tranquillement à leur place (certaines même absolument réservées !) tout en regardant le décor. Au mur, une, deux, trois, quatre, cinq affiches « Un thérapeute hors du commun ». C’est ce que l’on peut lire. Ainsi, sans aucun doute, le but de la formation est clairement indiqué sur les murs même : il s’agit pour chacun de devenir un thérapeute hors du commun. Même moi ? Oui, oui, oui, bien sûr, répondent ensemble les affiches. Et puis ça tombe bien, le monsieur au centre de la scène, entre les deux tableaux blancs, il l’est déjà, lui !
Sur le tableau de gauche, il y a souvent un visage qui a l’air sympa, il est tout souriant, et puis en dessous, c’est marqué « Hypnose ». Si l’hypnose et le cours sont aussi souriants que le petit bonhomme sur le tableau et que la musique, ça a l’air sympa l’hypnose. Sur le tableau de droite, ça ressemble au menu du jour qui annonce les plats à savourer (ou à préparer ?). Bref, avec du sourire dans les oreilles et dans les yeux, bien installé à une bonne place, que le spectacle, euh je veux dire, que le cours sur l’hypnose commence !
Arrêt de la musique.
Souriant, comme le visage sur le tableau, apparaît au centre de la scène, le formateur.
« Comment ça va bien aujourd’hui ?! » dit la voix qui sort du micro. Sonne et résonne la petite phrase qui accroche, qui revient, qui rappelle les sourires, qui ouvre chaque séance. Un peu comme « Vous croyez toujours ce qu’on vous dit à la télé… » qui ouvre l’émission de Canal.
« Aujourd’hui au programme… » : re-annonce de ce qui est annoncé au tableau. Et c’est parti…
Il est temps donc d’annoncer à notre tour les deux grandes parties du programme. Nous les appellerons : le spectacle et les miroirs, ou l’artiste en clown et Alice Vache qui Rit.
I - Le spectacle ou l’artiste en clown
Sommes-nous ou non à un spectacle d’hypnose ? Non, puisque nous sommes en formation. Non, puisque l’homme sur la scène, dans un spectacle d’hypnose, hypnotise les spectateurs et nous ne sommes pas hypnotisés (sauf quand c’est précisé) puisque consciemment nous écoutons le formateur. Nous ne sommes pas des spectateurs puisque nous sommes des stagiaires. Nous ne sommes pas non plus au spectacle, nous le saurions, et puis ça ne ferait pas très sérieux de dire que l’on va, une fois par mois pendant trois jours, au spectacle pendant cinq mois. Et puis nous ne sommes pas en transe car nous savons très bien ce qu’est l’hypnose, nous savons très bien quand nous sommes en état de conscience normal et en état modifié de conscience.Pourtant, parfois, c’est vrai, on doute…
Alors, parfois encore, on pourrait faire « comme si » on croyait qu’on est au spectacle. Comme dans l’induction pour les rebelles qui ne veulent pas entrer en transe : on leur fait le coup du « comme si ». Il ne s’agit pas de croire qu’on est en transe. Non, pas encore tout de suite, déjà, maintenant. Juste faire comme si on était au spectacle.
Mais alors, le monsieur souriant serait-il un formateur – professeur – acteur - hypnotiseur ? Qui est-il et que fait-il ?
Ici le questionnement se fait métaphysique.
Le formateur est-il un comédien ? un descendant des acteurs de la Comedia d’ell arte, un Arlequin, un Pierrot, une Annie Cordy, un Bigard ? … Vertige !
C’est vrai qu’il en a de bien bonnes parfois. Vous connaissez celle du bouc et de la mamie qui vit là-haut dans la montagne ? Ah oui ! c’est vrai, vous la connaissez. Elle est mignonne celle-là.
Il y a les très courtes. Il y a les tendance crade, genre pipi – caca –Bigard. Il y a les tendance sexe, il faut bien respecter les bases, et les femmes – les pauvres ! qui sont paniquées et qu’il faut apaiser avec un « p ». Il y a celle qui font monter les larmes de rire à celui qui les raconte (n’est-il pas en état modifié de conscience ?), celle de l’homme qui aime bien Marseille parce que sur les vitrines des cafés c’est marqué « Bouillabaisse » et qui demande : « où elle est Bouilla ? ». Il y a celles avec les "un peu enveloppées" – quelques kilos à perdre - et qui ont du mal, toujours, à passer les portes, ces sacrées portes toujours étroites...
Du sexe, des grosses... Voudrait-il nous choquer ? Nous faire réagir ? Bousculer nos pensées thérapeutiques sérieuses et correctes ? Non, sans doute pas, il s’amuse tout seul, c’est un vrai gosse, tout le monde le dit. Mais un gosse, c’est pas très pro non ?
Mais si c’est un comédien, il a le droit ; les artistes, c’est bien connu ont une âme d’enfant !
Bon, reprenons le show, le show « comme si ».Musique – La scène – Le centre de la scène – Les sièges des spectateurs. Les mimes. Ah oui, les mimes. Très fort les mimes ! Comme les pantins, avec des bras et des mains qui bougent tout le temps ; chaque unité de sens énoncée avec des mots est redoublée avec des gestes – Du visuel avec de l’auditif – Encore ?! Et puis des signes gestuels très clairs et très lisibles, comme par exemple un doigt pointé sur le cerveau pour indiquer une pensée, une prise de conscience, une découverte. Main droite, main gauche, bras droit, bras gauche, les membres supérieurs redoublent les paroles – Comme dans une B. D.
Pendant ce temps, les membres inférieurs restent plus calmes. Il s’agit de garder le centre, le centre de la scène, et de rester centré, les pieds dans le sol, dans la terre. A la fois centré, aligné, mais également ouvert ; et les pieds savent s’ouvrir juste ce qu’il faut pour s’ouvrir aux autres, vers ceux de droite et vers ceux de gauche. Ou encore se fermer si besoin est. Le pied s’incline vers l’intérieur quand certains éléments du public, mus par l’enthousiasme et la fièvre du fan ou du supporter, cherchent à trop capter l’attention du comédien, peut-être à happer – inconsciemment ? – son énergie. Le pied de l’ouverture laisse circuler librement l’énergie de la synchro ; le pied en fermeture, contrôle, détourne le trop-plein.
D’autres mouvements ? Peu, car il faut le centre garder. Quelques déplacements vers les tableaux pour expliciter les informations, mais le mouvement incessant du corps se fait essentiellement sur place. Le corps se place de profil s’il faut laisser entrer dans le cabinet du thérapeute une petite dame un peu trop large, ou il se déplace s’il faut se protéger d’un colère supposée de Patricia en se cachant derrière le tableau. Quelques nécessités inhérentes à un gag ou à une anecdote entraînent quelques déplacements, quelques pas de côté, mais la scène est réduite.
Le mouvement incessant, en plus de celui des mains, est celui qui provient des yeux et de la tête. Celle-ci, comme un phare bien réglé, balaye la salle de droite à gauche et de gauche à droite et de droite à gauche et de… Et les deux yeux éclairent quelques secondes chaque visage, devant, au fond de la salle, sur les côtés. L’éclairage d’un visage, la rencontre du regard individuel permet aussi de faire passe un message à l’un ou l’autre des stagiaires, un peu comme parfois un spot éclaire au cours d’un spectacle une partie du public ou une personne bien particulière. Enfin les yeux s’amusent à la mobilité pour faire passer d’un état interne à l’autre ou quand ils regardent à terre, en laissant se creuser deux rides entre les yeux, comme signe d’attention soutenue lors d’une question.
L’habillement est sobre, soigné, d’une élégance discrète, propice à donner une image de soi-même sérieuse et professionnelle pour une formation sérieuse et professionnelle, et à poser et à proposer des relations respectueuses avec le public, dans une distance non moins respectueuse.
La voix, quant à elle, épouse la mobilité des yeux, du visage, des mains, des bras et du corps pour faire passer le spectateur d’un état interne à un autre. Tour à tour plus rapide ou plus lente, plus forte ou plus douce, rieuse ou plus grave, dirigée, balayée – comme les yeux – de gauche à droite et de droite à gauche, elle surfe sur toute la gamme offerte par cet instrument humain. Et puis parfois, si on y est sensible, on peut déceler quelques marquages, une façon un peu particulière d’accentuer certains mots, une musique dans la musique : le fameux saupoudrage sans doute ! Mais ? Mais ! S’il y a saupoudrage ! ? … Soupçon … Y aurait-il induction ou suggestion sous-marine, un hypnotiseur qui agirait en taupe ? L’artiste serait-il un agent double de l’hypnose, refusant l’hypnose de spectacle mais faisant de l’enseignement de l’hypnose un spectacle qui hypnotise ?
On s’y perd.
Y-a-t-il des accessoires ? Quelques feutres pour écrire au tableau. Deux tableaux. Une chaîne et des C.D. Une oreillette-micro bien utile qui sert à poser la voix, à jouer sur les timbres, à ne pas crier et à couvrir les brouhahas des bavards. Un contingent de photocopies dont la distribution permet de changer le rythme de la prestation et, au lecteur, de suivre les propos du formateur. La feuille entre ses mains, lue parfois, est le plus souvent tenue par un des angles entre le pouce et l’index, légèrement pour qu’elle puisse se balancer, ou encore caressée sur la tranche, tout spécialement quand il écoute les questions d’un stagiaire. Ancrage ? Manie ?
Distribution des photocopies : entrée en scène de Patricia. Le prestidigitateur, le dompteur, l’amuseur a souvent sur scène une assistance (le professeur d'école, malheureusement, non). Et le formateur ? Le formateur agit parfois en tandem ou en équipe, chacun intervenant tout à tour. Ici, pourtant, le show se fait en solo.
Qu'en est-il du rôle de Patricia ?
Pour qu’un spectacle soit réussi, il faut aussi qu’agissent dans la coulisse ceux qu’on appelle les hommes de l’ombre et en l’occurrence l’homme est femme. ? N’est-ce pas un peu tout ce qu’on pourrait appeler la régie qui passe entre les mains de Patricia. Une régie au sens large – ici pas vraiment de techniciens, d’éclairagistes ou de preneurs de son – mais quelqu’un qui prend en charge les éléments les moins visibles d’un spectacle pour que celui-ci réussisse. La distribution des photocopies n’est que l’aspect le plus visible – le plus superficiel ? – de ce rôle. Pendant ce temps, Olivier garde le centre, commente, perçoit et contrôle l’agitation, la perte d’attention momentanée du groupe.Car dans tout groupe, se pose aussi le problème de la gestion de cette agitation. L’emploi du micro est une réponse. Plus besoin de moduler sa voix au gré de celle des autres. La présence physique de Patricia en est une autre. Quand elle est assise sur le côté de la scène, son regard balaye la salle, s’attardant sur tel ou tel, interceptant tel ou tel regard. Quand elle se place dans le fond de la salle, derrière les spectateurs, ceux-ci peuvent (ou non) ressentir son regard dissuadant les bavardages.
Patricia contrôle les entrées et les droits d’entrée, les inscriptions, les aspects matériels, la logistique, l’intendance, les relations avec l’extérieur, le respect des règles. Ce rôle est renforcé par le discours du comédien qui institutionnalise ce rôle par des remarques et plaisanteries sur une Patricia–au–fouet–pas-commode !
Et de fait, si des rappels à l’ordre doivent être faits, c’est elle qui prend la parole et qui semonce, qui tance et qui critique.
Olivier garde le sourire, Patricia fronce le sourcil, autorité et légèreté peuvent régner sur la salle, ying et yang du spectacle.
Aux fonctions pratiques, administratives, financières, s’ajoutent aussi les pôles sécurité, coaching, médical. La vedette doit être protégée des perturbations : les bruits parasites, les parasites tout courts, les activistes en tout genre, les anarchistes en herbe, les affairistes, doivent pouvoir être contrôlés, tout comme n’importe quel organisateur de concert se garde des éléments perturbateurs. Enfin, dernier élément à contrôler : le fan. Ce dernier – majoritairement féminin ? – fasciné par la scène, aime à rejouer – en taupe dissidente psychanalytique – le fantasme de séduction et la scène primitive. Mais vilaine gardienne castratrice de l’ordre, Patricia veille.
Soupirs !!!...
Et si le comédien, face aux élans désordonnés d’un public changeant et protéiforme, parfois grincheux ou un peu sombre, sentait une vague de lassitude le menacer par vent arrière, un regard, une parole, un geste du coach (et de l’aimée) permet le coup de barre qui relance le navire.Décidément, comme dans un spectacle, Patricia change de costume à chaque entrée. On a envie de dire qu’il ne lui manque que celui de l’infirmière pour continuer le parallèle avec les grands spectacles qui intègrent un pôle médical à la régie. Mais, même si elle n’a pas la blouse blanche (fantasme ?!) n’a-t-elle pas un peu de ce rôle quand elle est là pour recadrer les dérives psy en tout genre ?
Ainsi, comme centre et périmètre du cercle, Olivier et Patricia forment tout simplement ce qu’on appelle une équipe.
Du spectacle, il y a donc. On paye pour le show et on y revient. Il y en a même qui ne se lasse pas de se délasser en y assistant encore et encore. Il y a ceux qui reviennent parce qu’ils aiment bien rigoler en écoutant les bonnes et – surtout ? – les mauvaises plaisanteries du formateur. Il y a ceux qui reviennent parce qu’attirés par la mystérieuse envie de revenir, et c’est une bonne raison. Enfin il y a ceux qui reviennent parce qu’ils se souviennent qu’ils ont payé pour recevoir un enseignement et qu’ils veulent peaufiner leur savoir. Parmi ceux-là, il y a ceux qui n’avaient franchement rien compris la première fois, mais bien sûr ils sont peu nombreux, on n’est pas des imbéciles, on a même de l’instruction ! Il y a ceux aussi qui ont dans leur méta programme le chiffre 3, 4, 5 – les pauvres ! – voire plus pour les franchement lents – certains parlent de bouchés, mais ils vont à leur rythme, sans plus. Il paraît que la répétition est une des clés de la pédagogie, alors…
Enfin tout ça pour dire que certains reviennent pour retrouver tout de même, malgré les apparences, un enseignant ou un formateur – la différence est subtile mais fondamentale sans aucun doute – derrière ou devant c’est selon, l’artiste faisant son show.
Ce n’est pas un show d’hypnose de spectacle mais c’est un spectacle d’enseignement de l’hypnose. Et parfois même, on peut hésiter pour savoir si l’on est captivé par le spectacle, la performance, la mise en scène, ou par le contenu ; à moins que tout soit lié, comme le show est enseignement lui-même et l’enseignement est habillé en costume de clown, déguisé lui-même en costume bon chic.
Alors si enseignement de, ou formation à l’hypnose il y a, quid de la méthode et de la pédagogie ?
II - Les miroirs ou Alice Vache-qui-rit
Grand un : le contenu – en un mot dirait (vaseusement, certes) le formateur en question. Du contenu, il y a, pour sûr. Il cause, il cause, le formateur, et en plus, il écrit. Le contenu de l’enseignement est très chargé, qu’il soit comptabilisé en nombre d’heures, en nombre de photocopies, ou en nombre de pages du livre Hypnose. L’étudiant, l’apprenant, ne peut que se réjouir de la multitude des supports offerts, photocopies et livres, redoublant avantageusement la parole. Il a semblé de peu d’utilité de revenir sur ce contenu en détails sinon pour dire que pour l’apprenant il semble très fourni, détaillé, illustré d’exemples et bien structuré. Laissons à d’autres le soin de le critiquer, de le nuancer, ou de le compléter.Comment ce contenu est-il transmis ? Et oui, sortons du spectacle, ne nous laissons pas hypnotiser par les histoires drôles – un peu, beaucoup, pas du tout – les anecdotes et les petites histoires et entrons dans le domaine de la pédagogie.
Quelle est donc la méthode sérieuse du pédagogue, comment la caractériser ?
Eh bien peut-être faut-il alors retrouver Alice. Et non plus Patricia. Ou alors une Patricia–Alicia, avatar régressif dans une vie antérieure d’une Alice qui se laissait tellement fasciner par les miroirs qu’elle finissait par les traverser pour y découvrir des merveilles. Bien sûr, entre la petite Alice et la méthode pédagogique du formateur, on pourrait soutenir qu’il n’y a aucun rapport, ce qui serait ni vrai, ni faux, en soi et en toute logique, mais ce serait oublier le miroir, le beau miroir magique, celui qui reflète les états d’âme ou d’esprit, tout comme celui qu’on traverse pour être ici ou ailleurs.Les yeux sont le miroir de l’âme. Dit-on. Alors tirons le fil qui part d’Alice, à Patricia, au miroir, aux yeux et pourquoi pas aux yeux bleus d’Olivier, aux yeux noirs de Patricia, t’as de beaux yeux tu sais, belle marquise vos beaux yeux d’amour me font mourir, et les yeux revolver qui tirent les premiers ! Le fil s’embrouille, les yeux se brouillent, je deviens confus – toujours en un mot.
Heureusement, Alice me guide au pays des méthodiques merveilles et des méthodes merveilleuses où Monsieur Caroll Lewis nous enseigne avec rigueur la logique de la Reine de Pique, ou de Cœur. Et quand cette inconsciente logique échange avec grâce son reflet dans le miroir avec son alter ego, son double, dans quel univers instable n’entrons-nous pas ?
C’est à ce moment qu’il faut suivre Alice et plonger dans le miroir, s’installer sur un reflet et voir où il nous mène.
Et celui qui dirait que cette métaphore de la méthode d’Olivier est bien confuse ne ferait que témoigner de la clarté de son esprit.
Alors pour les plus obscurs d’entre nous, une autre métaphore de la méthode pédagogique du formateur. Après la méthode « Alice », soyons sensible à la méthode « Vache-qui-rit ». Eloignons a priori et sans plus attendre toute connotation péjorative à ce noble animal – ni grasse, ni sale ! Car en effet, elle rit, cette vache, ce qui en soit est un indice et une qualité pour une méthode. Mais là n’est pas le propos, car c’est de la boîte qu’il s’agit. Oui de l’incomparable boîte de la Vache-qui-rit où est représentée une vache, qui rit - d’où son nom - avec une jolie et originale boucle d’oreille où est représentée une vache, qui rit, avec une jolie et originale boucle d’oreille où est représentée une vache, qui rit, avec … et ce jusqu’à ce point où la conscience bascule dans les abysses vertigineuses de l’infiniment petit et perçoit encore une vache, qui rit, avec une boucle d’oreille… A ce petit jeu du grand voyage sur un reflet, seul rivalise avec la sublime Vache qui rit, le grand Velasquez dans le tableau des Ménines, où sont représentés une Infante et un miroir dans lequel on voit le peintre qui représente l’Infante et un miroir qui…
Mais de l’Infante et de la Vache qui rit, seule la vache qui rit, rit, comme chacun sait. D’où ce second choix pour qualifier la méthode d’Olivier, car Olivier rit aussi, et sa méthode aussi (peut-être d’ailleurs de ne pas en être une étiquetée).
Après cette seconde métaphore, tout éclair, tout s’éclaire. Le reflet, tout est là. Il s’agit de se tenir debout sur le reflet comme Einstein imagine ce qui se passerait pour quelqu’un qui voyagerait en chevauchant l’extrémité d’un rayon de lumière.
Car dans la méthode d’Olivier, le reflet est partout, ce qui est naturel puisque le propre du reflet est de se refléter, de se multiplier.
Nous le découvrons d’ailleurs tout de suite en entrant dans la salle. Au centre Olivier Lockert, sur les murs Olivier Lockert, du moins son livre. Sur la couverture du livre, le mot "hypnose" et sur les deux tableaux le mot "hypnose" et sur les genoux le classeur "hypnose". Et cette simple image du reflet, nous la retrouverons multipliée un nombre incalculable de fois.
Le contenu de la session est écrit au tableau, développé oralement, écrit sur les feuilles, mis en pratique en petit groupe ou en démonstration, mais plus subtilement encore annoncé, intégré dans des métaphores ou anecdotes du début de cours, et reprises plusieurs fois.
La découverte de la confusion par exemple commence par la réception de paroles confuses quelques temps avant la séance qui en parlera. Puis le jour où elle est abordée, le formateur ouvre sa session par une mise en acte de la confusion en guise d’apéritif. Viendront ensuite le plat de résistance dans le cours, le dessert sous forme de pratique, le tout arrosé de paroles confuses toute la journée. Enivrés de confusion, nous sentons celle-ci irriguer nos artères, s’intégrer à notre corps et, en douceur, de confus nous-même nous devenons confusionnant pour les autres.
La séance commence par une annonce du thème qui sera abordé : « travailler l’imprévisibilité ». Celui-ci va être "agi" de multiples manières avant d’être explicité. La séance tâche d’intégrer des situations imprévisibles, se déroule selon un ordre peu prévisible qui file des éléments partant dans des sens différents, présente des anecdotes que l’on ne rattache pas forcément immédiatement au thème, avec un peu plus tard des anecdotes – exemples d’imprévisibilité utilisées par des thérapeutes, Erickson, Farelly ou tirées de l’expérience d’Olivier. Et au milieu de tout cela, distillés de manière imprévisible puisque dépendante du bon tempo lié au groupe, la présentation telle qu’elle est redoublée sur les feuilles que nous avons sous les yeux.
Ainsi l’annonce du thème est immédiatement suivi d’un retour sur le travail de la veille ("Vous avez des questions par rapport à hier ?") puis d’une anecdote de Bandler boostant deux cents personnes en les mettant dans la peau d’un fauve, puis retour sur "On va donc passer à l’imprévisibilité". Le filage avec le passé, la suggestion de confiance sous forme imagée font leur office tout en agissant la confusion par l’interruption, incessante du fil conducteur principal.
Le petit jeu continue. Imprévisibilité, « donc pas de feuilles, on les donnera demain », le formateur s’amuse avec les feuilles, revient sur la question, puis petit exemple : « c’est comme se brosser les cheveux avec la main gauche pour les droitiers », avec pointe d’humour... Des questions à la salle : l’exemple du punk est donné puis critiqué. Un retardataire arrive ; l’utilisation est tout de suite appliquée : « il le fait très bien d’être imprévisible, lui ». Quelques éléments d’explications puis immédiatement paroles et exemples d’Erickson en illustration. Les anecdotes s’enchaînent aux commentaires, se raccrochent à ce qui a déjà été vu (« Bizarre, ce que je vous ai dit l’autre jour, c’est maintenant sur la feuille. Avant les feuilles sont blanches, le matin, et puis hop, ça s’imprime »), tous les petits exemples arrivent de manière semble-t-il imprévisible et ont un contenu renvoyant à l’imprévisibilité. Et le formateur enchaîne même avec un commentaire renvoyant à sa propre méthode : « Ça a l’air en apparence totalement improvisé, tout à fait loufoque, il faut arriver à faire son propre style » qui laisse la confusion dans les esprits pour savoir s’il y a improvisation, maîtrise construite, maîtrise improvisée. Surtout qu’il ajoute : « Il faut être confus vous-même, en un mot ». Humour, plus suggestion paradoxale, puis aussitôt d’autres métaphores (la stratégie militaire) qui s’enchaînent en mime (lancer le stylo au delà du trou dessiné sur le tableau) et avec des références culturelles très diverses (Robbins et le sac de scrabble jeté en l’air qui réécrit la Bible dans l’ordre ; les sciences avec le miracle de la vie face à la probabilité très faible qu’un bébé naisse ; Picsou et sa technique pour changer Donald, etc.)
La synchronisation se modèle aussi sur le thème avec des remarques comme « Bon, c’est normal de ne pas suivre... puisque c’est la confusion ».
Mais l’imprévisibilité intègre forcément d’être organisé quand on ne s’y attend plus, il y a donc aussi l’annonce ordonnée des règles de l’imprévisibilité : 1°) agir selon sa propre personnalité, 2°) acceptez d’être confus soi-même, 3°) avoir soi-même une direction stratégique. Et bien sûr ces trois règles sont mises en acte par l’exposé lui-même.
Inutile de multiplier les exemples donnés dans la séance (très nombreux), les reflets sont tellement multipliés que l’on se trouve vraiment bombardés et qu’à la fin on bronze, on est irradié, notre psychisme est saturé et le contenu est incorporé, au sens propre.
« Trop fort ».
Parfois même, on reçoit un reflet derrière les oreilles que même qu’on croirait que s’en n’est pas un !! Ainsi un jour, on arrive pour travailler sérieusement l’hypnose et voilà que le formateur nous propose de « faire un petit test rigolo ». Nous, on est bon avec le formateur, alors on accepte de jouer à ce que d’aucuns diraient « ses petits tests à la c… J’ai pas payé plein, beaucoup d’euros, pour faire des tests à la Elle ou à la Marie-Claire, il nous prend pour des demeurés de la psycho lui ou quoi !? » mais bref, on accepte, ça parle d’animaux et il faut être bon avec nos amis les bêtes, même si dans la liste il y a une vache, un mouton et un cochon – pas terrible ceux-là – mais heureusement il y a le cheval et le tigre... Et puis il en rajoute un autre de test, avec du café (n’importe quoi !), un rat (beurk !), un chat et un chien (y s’est pas foulé), et l’océan (ça, c’est chouette, enfin). Alors bon… me prend pas pour un demeuré : formation sérieuse qu’y disait ! Me suis encore fait arnaqué sur ce coup-là. Il exagère, ça fait bien quinze minutes qu’on est sur le test, et il avait annoncé qu’on allait travailler sur les suggestions hypnotiques et post hypnotiques. C’est quand qu’on commence ?
Et il ajoute : « Bien entendu, si ça vous plaît pas, c’est faux. Et dans six mois, il se peut que ça ait changé pour les furieux et les solubles ». Et il nous conseille d’aller consulter les dictionnaires des symboles. Fin du test. « On fait passer les feuilles sur les suggestions ».
Il est malin le formateur. Nous, on attendait le début du cours sur les suggestions ; le test, s’était pour la rigolade, une pause avant la pause. On s’amusait, on se divertissait un peu, on râlait (les furieux !), mais l’illustration in vivo de la suggestion, niet, rien perçu. Enfin, là, je parle de moi et des quelques-uns à la détente lente, pas de la grande majorité qui avait tout saisi (!?). Et pourtant, là encore, les reflets reflétaient...
L'approche de la métaphore...
...est peut-être le plus beau joyau de la méthode "Vache qui rit qui fait passer à travers le miroir" d'Olivier. Le cours sur la métaphore commence évidemment par une anecdote métaphorique et se poursuivra par un enchevêtrement de métaphores ou d’anecdotes. Une première ouvre sur une seconde qui ouvre sur une troisième, chacune illustrant un point d’enseignement, l’ensemble illustrant la technique de recadrage par métaphores encastrées. De plus, bien évidemment, cette technique est utilisée bien avant son apprentissage, elle est mise en acte dans le spectacle d’hypnose donné tout au long de la formation. Les histoires sérieuses et celles qui nous font rire, outre l’impact sur nos états internes, délivrent les messages à enseigner en redoublant l’approche théorique.Les métaphores, qui peuvent être inventées à l’infini, sont elles-mêmes une image de l’approche indirecte de la communication éricksonienne et donc de l’hypnose elle-même. Ainsi la petite mamie corse qui pue le bouc et les autres s’habitueront, que chacun connaît, contient en elle-même (si elle savait la mamie !) l’essence même de l’Hypnose Ericksonienne . Et si Olivier aime à la répéter (et je ne pense pas que ce soit par une tendance gâteuse), c’est pour que son reflet reflète elle-même l’hypnose en toute simplicité. Grandeur de la mamie Corse !
Mais au fait, si je m’en souviens, serait-ce que l’enseignement ait agi en moi à la manière d’une suggestion ? Est-ce que la rigolade encastrée dans le théorique s’est incrustée dans ma mémoire comme le recadrage dans les histoires encastrées ? Ou est-ce le théorique encastré dans la rigolade qui a provoqué le même effet ?
Etais-je en état modifié de conscience quand j’étais bombardé de métaphores anecdotes ? Se pourrait-il ainsi que, de reflet en reflet, le contenu enseigné se reflète dans la méthode pour l’enseigner, que forme et contenu soient une image l’un de l’autre ? Proposer des séries de métaphores qui enrobent l’explication du rôle de la métaphore dans l’Hypnose Ericksonienne c’est ainsi faire coïncider pratique et théorie bien avant que l’apprenti hypnotiseur passe lui aussi de la théorie à la pratique dans les ateliers. Le formateur agit ainsi sa théorie dans le même temps où il théorise sa pratique. La pratique de la communication indirecte est enseignée par la mise en pratique par le formateur de la communication indirecte. Et si la communication indirecte éricksonienne est de "l’hypnose sans hypnose", de l’hypnose conversationnelle, alors l’enseignement par la communication indirecte est un enseignement par l’Hypnose Ericksonienne de l’Hypnose Ericksonienne
Et le public est en transe sans nul doute au moment des transes collectives affichées, quand il passe d’un état interne à l’autre au gré des histoires drôles, des pantomimes et des anecdotes sérieuse ou troublantes – bref quand il assiste au spectacle sur l’hypnose – mais peut être aussi un peu, parfois ou souvent, quand au milieu de tout cela il reçoit l’enseignement de façon indirecte sous la forme de suggestions.
Notre conscient suit avec attention le discours rationnel explicatif pendant que dans le même temps notre inconscient s’ouvre à toutes les suggestions contenues dans l’approche indirecte. Le contenu de l’enseignement s’ouvre ainsi les deux voies du conscient et de l’inconscient comme un jeu de reflets ou comme une musique en stéréo.
En balayant large ainsi, les messages pénètrent en profondeur selon le rythme et les modalités propres à chacun. De là d’ailleurs les plaintes ou inquiétudes de certains qui disent ne plus rien comprendre à rien, qui sentent confusément que le conscient se déconnecte et qui se retrouvent au bout du compte aussi compétents que ceux qui se concentrent sur le bien fondé logique des propos énoncés.
De là encore cette curieuse impression de réminiscence, une fois la formation terminée, quand tout un savoir et un savoir-faire remontent à la surface sans crier gare, et est là et bien là, sans que nous ayons eu l’impression d’avoir fourni tous les efforts qu’en d’autres lieux, école ou autre, nous avions l’habitude de fournir pour nous approprier le savoir. A l’insu de notre conscient, l’enseignement indirect et les suggestions post hypnotiques travaillaient dans l’ombre.
Ainsi se vérifie la prédiction annoncée des quatre temps de l’apprentissage : de l’incompétence inconsciente jusqu’à la compétence consciente en passant par l’incompétence consciente et la compétence inconsciente.
Et il suffirait de reprendre ensuite la liste sur le classeur de toutes les techniques de la communication indirecte pour s’apercevoir que le formateur les utilise toutes dans le temps même où il les enseigne (et même quand il enseigne autre chose), et pour comprendre que ce type d’enseignement-là est de l’Hypnose Ericksonienne. Nous apprenons ainsi l’hypnose par l’hypnose sans hypnose autant que par la pratique hypnotique, et toutes les techniques enseignées pour influencer positivement les patients sont celles utilisées pour influencer les élèves ou apprenants.
Nous voici donc au spectacle, parfois, souvent hypnotique de l’enseignement de l’hypnose par l’hypnose sans hypnose agrémenté de séances d’hypnose de groupe et d’autres groupes pratiquant l’hypnose. Hypnose de spectacle et hypnose de groupe, hypnose formelle et hypnose sans hypnose, décidément l’hypnose nous mène bien par le bout du nose, nous prend pour ne plus nous lâcher avant que le savoir hypnotique ne se soit imprégné en nous par les répétitions multi canaux et multi formes visant notre conscient et les profondeurs de notre inconscient.
Le spectacle donné par le formateur joue donc bien en quelque sorte le rôle d’une induction en captivant notre attention de manière à "dépotentialiser le conscient" et à ouvrir la voie aux suggestions qui ont pour contenu principal l’enseignement de l’hypnose. Le but du jeu est de nous entraîner d’un état interne à un autre, de jouer sur la confusion, d’encastrer les histoires et les anecdotes, de multiplier les métaphores en gardant bien sûr la synchro, de nous faire perdre conscience de notre environnement pour nous focaliser sur la parole et le langage non-verbal du formateur de manière à s’adresser à l’inconscient. Les messages conscients s’adressent de leur côté aux plus rationnels d’entre nous, et permettent aussi de redoubler l’information quand l’état hypnoïde, instable par nature, s’amenuise.
Ainsi considérée, une séance d’enseignement est le double, le reflet d’une séance de thérapie, en ce qui concerne la forme et la méthode. Le nombre de participants n’est pas un élément marquant puisqu’il s’agit toujours d’un duo : le formateur – thérapeute d’un côté, et l’apprenant – patient de l’autre. Les mêmes mécanismes sont en jeu dans les deux types de séance.
Les jeux de reflets dans le miroir de la Vache qui rit nous font bien traverser le miroir d’Alice et entrer dans le pays des merveilles de l’hypnose. La capacité de jouer avec les mots, de manier la logique illogique, de s’ouvrir à l’imaginaire et au merveilleux est bien le don d’Alice ; c’est aussi le cadeau de l’hypnose, et aussi celui du formateur.
La méthode "spectacle – Alice – Vache qui rit" apparaît, à l’usage, moelleuse et digeste à souhait.
III – Remerciements
A la fin de ce rapide parcours sur la méthode, Olivier (moi) tient à remercier Olivier (Lockert) car cette traversée du miroir m’a permis de découvrir d’autres horizons sur la planète enseignement.Je me suis inscrit à ce stage d’hypnose pour abandonner l’enseignement, m’orienter vers un autre métier, et au bout du compte, j’ai découvert un enseignement qui n’était pas celui que je connaissais. Du coup, je m’amuse bien à enseigner, j’y prends beaucoup de plaisir, et j’ai du pain sur la planche.
Faire de son cours une séance de spectacle réussie en parcourant toutes les techniques qu’utilise Olivier, demande du temps et de l’investissement. La synchro avec un groupe, parler multi-niveaux, positif–négatif, s’adapter aux univers de chacun, jouer avec la voix, la posture et les gestes, balayer la salle du regard focalisé–défocalisé, faire le pitre et le clown, raconter des histoires nulles ou sérieuses en les mimant comme un comédien, exposer son ego aux risques du « bide total », poser des ancrages, générer de l’émotion dans un cours de grammaire ou d’orthographe, donner du rythme en faisant varier les états internes, etc. etc : voilà une partie du programme qui se rajoute au contenu de ma matière et qui change complètement ma façon d’enseigner. Je n’ai plus le temps de m’ennuyer, il y a toujours un point à travailler !
Et puis bien sûr, ce qui est pour moi le plus excitant : le jeu avec la confusion, les paradoxes, les double-liens, les métaphores et les anecdotes, le principe ericksonien de l’utilisation. Toute la communication indirecte trouve un vaste champ d’exploitation dans la classe.
Les petits 6ème sont aussi pour moi un bon terrain d’exploitation puisque les contes sont à leur programme, occasion idéale de placer des suggestions de confiance en soi, d’activation de ressources et de compétences, et de créer des situations hypnotiques. Par exemple, dans un contexte d’écriture d’une courte rédaction à inventer après lecture d’un petit conte parlant de baguette magique, inciter les quelques élèves qui disent toujours n’avoir pas d’idée, à explorer les vertus de la méthode de Rossi, rebaptisée la méthode secrète de Oui–Si enseignée par un vieil ami à moi, magicien à ses heures. Entre les mains, bien sûr, une boule magique aux pouvoirs secrets. Mais il faut surtout ne pas regarder, juste sentir et écouter, la boule qui peut grandir, s’allonger, se rétrécir. Et puis la technique habituelle, l’accord avec les mains qui se rapprochent ce qu’il faut, la main qui descend pour ramasser les ressources, la cueillette des éléments, et l’autre main qui installe le pouvoir magique, le transfert dans la main ou le stylo, les suggestions de laisser faire, de laisser passer les idées pour qu’elles courent sur la page. Ouverture des yeux – Ecriture.
Ou encore, les prescriptions de tâche avec utilisation :
Un élève de 5ème, très agité, perturbateur, en échec. Refuse de lire le livré étudié, quelques nouvelles des Lettres de mon moulin. Zéro au contrôle écrit, pas une ligne de réponse. Quelques temps après arrive un jour en retard, vient d’être puni pour avoir fait la chèvre dans un autre cours. Je lui demande comment il fait la chèvre. Pousse un petit cri. Je me moque de lui, je lui demande de faire une chèvre potable et de venir la faire au tableau. Joue le jeu, devient le clown au tableau. Je lui demande s’il sait faire la chèvre dans un pré avec des clôture, qui rêve de liberté, ou encore la chèvre courageuse qui se bat contre le loup. Me parle de son grand-père qui connaît la chèvre de M. Seguin. Admiration de ma part pour son grand père cultivé qui a lu l’histoire. Je lui demande s’il a déjà fait le loup en classe. Répond non. J’exprime mes doutes sur sa capacité à mimer les gestes et les bruits du loup. Je propose un défi. Doit lire le livre en trois jours, venir le raconter au tableau en faisant très bien le loup et la chèvre, puis j’en profite pour lui dire qu’il devra répondre parfaitement à toutes les questions vicieuses que seuls ses trois copains auront le droit de lui poser (les trois autres qui n’avaient pas non plus lu le livre) devant toute la classe.Son mime, ses bruits, ses paroles furent un grand moment de rigolade. La classe vota pour un 17/20. Les trois autres copains avaient lu le livre.
Il a demandé un autre livre. Je lui ai donné un petit roman pour la jeunesse « Le Faucon déniché » en lui disant que cette fois-ci c’était sûr, il ne saurait pas faire le faucon déniché, c’était trop dur pour lui. Bien sûr, il a parié le contraire et réclamé le livre.
Un dernier exemple, résumé rapide d’un début de séance préparé, contrairement aux deux autres exemples précédents qui ont été improvisés :
Classe de 4ème, niveau assez faible avec des élèves complètement démotivés et persuadés de leur nullité et de leur incapacité à intégrer l’orthographe et la grammaire. Depuis le début de l’année, long travail préparatoire avec la synchro, les ancrages "à la Olivier" ("comment ça va bien / mieux aujourd’hui ?" avec déplacement vers le comment ça va bien en français aujourd’hui), le travail sur la confiance, etc.Au début de la séance, mon premier exercice perso était : utilisation de la confusion sur éveil / endormi. Je leur demande s’ils sont éveillés, à untel s’il est endormi, comment ils sont conscients d’être éveillés / endormis ou s’ils sont inconscients d’être éveillés, ce qui pourrait vouloir dire qu’ils sont endormis quand ils sont en éveil… et je file l’embrouille sur éveil / éveillé / endormi / conscient / inconscient. Quand un d’entre eux me dit « Arrêtez, Monsieur, vous m’embrouillez », je lui demande s’il pense que c’est la preuve qu’il est ou n’est pas en éveil et j’en profite pour passer à une petite histoire d’éveil racontée dans les arts martiaux. Sans développer, c’est celle d’un maître d’arts martiaux qui vient rendre visite à un autre et qui demande des nouvelles du niveau d’éveil de ses trois fils. Propose un test : place une bassine en équilibre au-dessus d’une porte entr’ouverte. Appelle successivement ses trois fils. Le premier accoure et reçoit le seau : le second ouvre la porte mais avant que la bassine ne l’atteigne, dégaine son sabre et la tranche ; le troisième arrive en courant, s’arrête devant la porte, éclate de rire et demande à son père pourquoi il fait encore des farces pour enfants. Le maître en visite apprécie les qualités d’éveil et d’apprentissage.
Cette histoire est bien sûr mimée à grands gestes avec des noms chinois qui font rire. Et je passe à autre chose, une correction d’exercices.
Mon objectif était de poser des graines de toutes sortes pour faire passer les idées d’apprentissage, de savoir-faire inconscient, d’éveil quand on croit être endormi et ne pas savoir.
L’évaluation bien sûr de l’impact réel de la confusion et de l’anecdote est difficile. Il reste les indices. En l’occurrence ce fut l’importance que prit l’expression « en éveil » dans la classe. Si je commets la moindre erreur au tableau ou si je bafouille, j’ai droit au « Monsieur, aujourd’hui vous n’êtes pas en éveil ». Et plusieurs élèves se jugèrent « pas en éveil sur ce coup là » ou au contraire « bien en éveil » en fonction de leurs résultats.
Travailler la stratégie, les prescriptions, inventer des histoires, soigner la confusion, penser à la synchro, transforme la vie du professeur.
Et je n’aborde pas les contacts avec les parents, les réunions, les conseils de classe… Enseigner devient hypnotique et plaisant.
Ce chapitre était en forme de remerciements.Alors merci au bouffon, à l’artiste, au formateur, à l’enseignant et sa méthode, à l’éveilleur. Merci au duo, Patricia et Olivier.
Olivier Chevalier
Enseignant, Maître-Praticien en Hypnose Ericksonienne
Pour en savoir plus"Hypnose : Santé, Qualité de Vie, Evolution Humaine"
Olivier Lockert, Editions IFHE (696 pages, cours pratique complet)